Né en 1986, Sébastien Lecornu incarne une génération de dirigeants politiques français qui ont fait de la gestion et du pragmatisme leur marque de fabrique. Pur produit d’une droite gestionnaire, il a connu une ascension politique fulgurante, bâtie sur un ancrage local profond dans le département de l’Eure. Sa carrière l’a vu gravir méthodiquement les échelons du pouvoir, passant des collectivités locales aux postes ministériels les plus régaliens, notamment celui des Armées en 2022. Son parcours a atteint un sommet dramatique à l’automne 2025, lorsqu’il fut nommé Premier ministre, avant de connaître le mandat le plus bref de toute l’histoire de la Ve République, une crise politique majeure qui a secoué les institutions françaises.
Originaire d’Eaubonne, dans le Val-d’Oise, Lecornu a grandi en Normandie avant de poursuivre des études supérieures à Paris. Il a suivi un cursus en droit public à la prestigieuse Université Paris-II Panthéon-Assas, validant une première année de master (M1). Ce point de son CV a d’ailleurs fait l’objet d’une controverse notable lors de son arrivée à Matignon en 2025, certains médias relevant une confusion entretenue avec un master 2 complet (Bac+5). L’intéressé a balayé cette polémique, la qualifiant de non-événement. Parallèlement à son parcours universitaire, un autre élément de sa biographie est souvent souligné pour comprendre sa culture de l’autorité et de la défense : son engagement en tant que colonel de réserve au sein de la Gendarmerie nationale, bien avant qu’il ne prenne la tête du ministère.
Son entrée en politique s’est faite très tôt, sous l’aile d’une figure majeure de la droite française, Bruno Le Maire. Lecornu a été son assistant parlementaire, puis son conseiller technique lorsque ce dernier était ministre. Ces années formatives l’ont solidement ancré dans les réseaux gaullistes et séguinistes, avec une sensibilité particulière pour les finances publiques et l’industrie. Mais la véritable force de Sébastien Lecornu réside dans son implantation locale. Militant à l’UMP dès son adolescence, il a méthodiquement conquis le département de l’Eure. Il devient maire de Vernon en 2014, puis, fait marquant, il est élu président du conseil départemental de l’Eure en 2015, à seulement 28 ans. Il s’y forge une réputation de gestionnaire “musclé”, n’hésitant pas à prendre des décisions impopulaires, comme la rationalisation du réseau de collèges sous-occupés ou l’intensification de la lutte contre la fraude au RSA. Il a toujours revendiqué cette rigueur budgétaire et le refus d’augmenter la fiscalité locale. Pour see details sur cette période charnière de son ascension, son bilan local est souvent analysé comme le laboratoire de sa future action nationale.
Lorsque Emmanuel Macron accède au pouvoir en 2017, Lecornu est l’un des premiers élus de droite à franchir le pas et à rejoindre la majorité présidentielle. Cette transition marque le début de son ascension gouvernementale, où il prouve sa polyvalence et sa capacité à gérer des dossiers techniques et sensibles, sous les gouvernements d’Édouard Philippe puis de Jean Castex.
Son parcours ministériel illustre cette montée en puissance :
- 2017–2018 : Il débute comme Secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique.
- 2018–2020 : Il est promu Ministre chargé des Collectivités territoriales, un poste taillé sur mesure pour son profil d’élu local.
- 2020–2022 : Il hérite du portefeuille très exposé des Outre-mer. Il y est confronté à des crises aiguës, notamment la crise sanitaire et sociale aux Antilles en 2021. C’est là qu’il fait preuve d’un pragmatisme notable en ouvrant le débat sur une éventuelle autonomie accrue pour la Guadeloupe, déclarant qu’il “n’y a pas de mauvais débats”.
En mai 2022, il accède à un poste régalien de premier plan en devenant Ministre des Armées. Son mandat est immédiatement défini par le retour de la guerre à haute intensité en Europe, avec l’invasion de l’Ukraine. Il pilote alors la préparation et la mise en œuvre de la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2024-2030, un budget historique de 413 milliards d’euros sur sept ans. L’accent est mis sur la modernisation de la dissuasion nucléaire, le renseignement, le cyberespace, le spatial et la reconstitution des stocks de munitions. Sous son impulsion, la France entre dans une “économie de guerre”, un terme qu’il popularise pour exhorter les industriels de la défense à accélérer les cadences de production, notamment des obus de 155 mm et des canons CAESAR, n’hésitant pas à menacer de recourir à des réquisitions pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement critiques. Il est également l’architecte du soutien militaire français à Kyiv, organisant les livraisons d’artillerie et visant une production de 80 000 obus par an, souvent en coopération avec des partenaires européens.
C’est fort de cette stature d’homme d’État que Sébastien Lecornu est nommé Premier ministre le 9 septembre 2025, dans un contexte parlementaire extrêmement fragmenté. Sa mission, confiée par l’Élysée, est de bâtir une “majorité d’idées” pour faire adopter le budget 2026. Faisant un pari audacieux, il annonce le 3 octobre qu’il renoncera à l’article 49.3 de la Constitution (qui permet d’adopter un texte sans vote) pour la loi de finances, appelant à une “méthode parlementaire” basée sur le compromis. Il transmet une feuille de route à ses alliés potentiels (Renaissance, LR, MoDem, Horizons).
L’expérience tourne court. Les oppositions (Rassemblement National et la gauche unie) menacent immédiatement de déposer des motions de censure. Ses alliés naturels, notamment Les Républicains, se montrent plus que réticents, critiquant la composition de son gouvernement (marqué par le retour de Bruno Le Maire aux Armées) comme un signe de “continuité” et non de la “rupture” promise. La majorité reste introuvable. Le 6 octobre 2025, après seulement vingt-sept jours, Sébastien Lecornu remet sa démission au Président de la République, signant le mandat de Premier ministre le plus bref de la Ve République. Toutefois, l’Élysée lui demande de rester en poste 48 heures supplémentaires pour gérer les affaires courantes et mener d’ultimes négociations, notamment sur le budget et la crise en Nouvelle-Calédonie. Contre toute attente, les tractations pour lui trouver un successeur échouent. Le 10 octobre 2025, dans un coup de théâtre politique, Emmanuel Macron annonce sa reconduction à Matignon, transformant cet échec cuisant en un pari sur la stabilité au cœur de la tempête.
Sébastien Lecornu reste un homme très discret sur sa vie personnelle. Les biographies officielles et les déclarations publiques ne font état ni d’épouse ni d’enfants, un aspect de sa vie qu’il protège farouchement.
